Une décision qui a été prise assez rapidement, comme si c’était évident : « faire un ironman ». Un peu à la manière d’Inception. Avec une idée qui aurait été glissée il y a bien longtemps, dans la tête d’un jeune grimpeur et montagnard probablement !
Et maintenant ? ENTRAINEMENT !! Amis STAPSIENS vous savez. Vous connaissez la douleur que venait créer chez moi une marche d’approche de 15 minutes pour aller à une falaise, vous vous rappelez probablement de mon humeur le jours des tests VMA et cooper. Pas plus nageur que ça et absolument pas cycliste.
L’entrainement a d’abord prit une tournure de parcours découverte du triathlon, des cuisses qui brulent, des mollets en feux et des épaules en miette. Le plus curieux là dedans c’est que je suis tombé sous le charme de ce type d’effort. Entrainement donc avec Ton Coach Triathlon / Rémi Dugoujon / Lifetri, très disponible, programme adaptable en fonction des contraintes pros. Un coaching aux petits oignons.
ET LE MENTAL LÀ DEDANS ?
« Ben oui, pour un coach mental comment ça se passe ?«
« Ça se passe bien ! «
Chaque entrainement de natation, de vélo ou de running est l’occasion de tester une technique de coaching mental et/ou de l’améliorer.
« Le mental ironman, y’a pas de secret, ça se bosse »
Apprendre à gérer des distances, la douleur, la motivation, les émotions, le dialogue interne, l’énergie, etc. On m’a demandé la veille de la course “Eh Louis, Pourquoi tu fais un Ironman ? “ C’est une question qui est souvent revenue lors des entrainements : “ Beh oui, la course c’est pour juin, mais là c’est février il fait 6 degrés, il pleut et j’ai 120kms de vélo à faire”. Et évidemment le “rooh pétard je serais mieux dans mon canap’ ou à manger une bonne raclette plutôt que sur mon vélo sous la flotte depuis 2h” ne se fait pas attendre.
À ce moment là, et comme le jours de la course, naturellement des valeurs viennent s’associer à l’objectif pour répondre à la question : « qu’est ce qui me pousse VRAIMENT à faire cet IronMan? «
Le dépassement de soi, le gout de l’effort, la rigueur qu’implique l’entrainement, la famille, les amis, des modèles. Autant de valeurs, de personnes qui nous prennent au trip et qui disent “fonce” quand le reste dit stop.
C’est cet élan mental qui permet alors au corps de maintenir le mouvement, l’allure, la cadence. Parfois même on se laisse surprendre par la puissance de la pensée sur le corps. Lors des entrainements, j’aimais penser et imaginer la manière avec laquelle j’allais passer la ligne d’arrivée de ce triathlon. Les poils s’hérissaient sur ma peau, des sueurs froides aux bouffées de chaleurs, de grosses montées d’émotions : l’allure augmentait alors naturellement.
BILAN PRÉ-COURSE :
110km natation – 3016km de vélo – 728km de course à pied – 8kg en moins – Triathlon de Mimizan format M (1,5 – 40 – 10) – zéro blessure !!
L’IRONMAN
Arrivée 4 jours avant le départ pour acclimatation (comme on peut avec 40 degrés) et pour avoir le temps de me poser un peu. Je fais la route avec Julien mon plus fidèle supporter (venant bel et bien du verbe “supporter” 😅). Une séance course à pied et une natation en mer avec les conseils avisés de Jonathan Bel Legroux (ami et Président de Mental Camp France : Stages pour la performance sportive) pour apprendre à nager “physique”.
L’ironman est dimanche. Vendredi soir : briefing athlètes. Et comme pour tester les nerfs, on apprend que les distances sont raccourcies = 150km de vélo au lieu de 180 et 31km au lieu de 42km de course à pied. “j’ai pas signé pour ça” Ça fait l’effet d’une grande gifle, sur le coup j’ai envie de rentrer chez moi, désengagé et désintéressé. Mais après la colère vient la raison. Cette question raisonne à nouveau : Pourquoi tu t’es lancé dans cette aventure ?”
Encore une fois, la prépa mentale me permet de me re-mobiliser. Mes valeurs redonnent alors du sens à la course. En fait les kilomètres on s’en fout. Je me suis entrainé 10h à 15h par semaine pendant des mois, sous la pluie, dans le froid, sous un soleil de plomb, je me suis forgé un « mental ironman » et j’ai construit un corps capable de parcourir ces distances. Je suis prêt.
Samedi soir : Le vélo est posé au parc, les sacs de transition aussi.
« Mentalement & physiquement, je suis à bloc. «
Bon ok peut être un poil tendu sur la préparation des affaires la veille (à vérifier, re-vérifier, re-re-re-vérifier). Julien me regarde faire et défaire et refaire mes sacs sans un mot, le bougre me connait bien. Durant tout le séjour Niçois il aura toujours eu le mot ou le silence juste et aura fait des pieds et des mains pour le bon déroulement de la course.
Alors un grand Big-Up à toi qui m’a gentiment laissé le ventillo pendant 3 nuits (à 28°C) pour que je puisse bien dormir correctement, pour avoir chargé ma montre au maximum le dimanche matin parce que j’ai oublié, pour avoir fait le reporter tout au long de la journée de dimanche. Nuit courte mais reposante (à mort le mythe du “tu dormiras mal la veille de ta course »).
La course | IronMan
Réveil 4h30 le temps de prendre un bon petit dej’ et de préparer 3 affaires. Il est 5h30, départ 6h30. Et hop me voila dans le SAS pour boucler la Nat en 1h12.
NATATION
Natation chouette, je me rend vite compte que je suis bien, que j’avance et que je double du monde ! Je sors 308ième sur 2700 en 1h02 et ça va plutôt bien ! Erreurs natation: j’aurais dû mieux me placer dans les SAS et compter les bouées pour savoir où j’en étais, j’ai été un peu désorienté en mer.
VÉLO
Vient ensuite le vélo sur un parcours absolument magnifique! Un parcours qui monte longtemps en première partie. Avec une alternance de côtes assez raides et de faux plats montants. Les villages traversés sont somptueux, les gorges ont même des aires de Verdon, j’en prend plein les mirettes ! Le job c’était de boire (beaucoup), de manger, de pousser et de tirer. Et surtout, ne pas louper de ravitaillement ! Entre temps quelques problèmes techniques avec un porte-bidon un peu foireux. Mais en dehors de ça c’était le pied! Puis quand ça monte, ça redescend ensuite, longtemps aussi.
De quoi se faire plaisir et laisser les jambes se délier un petit peu. Mentalement j’avais découpé le parcours ironman en 3x 50km (ça passe plus facilement comme ça je trouve). En fin de parcours, malgré les descentes, les jambes sont lourdes, les cuisses tirent. Longs plats pour arriver sur la prom’ et le moral revient. Il y a des supporters de partout ça fait du bien !
J’aperçois pas mal de monde déjà sur le parcours de course à pied. Je termine 692ième le vélo, la chaleur est beaucoup plus étouffante en bord de mer, l’air est brulant. Transition gonflé à bloc : mes proches sont là, je le sais et je vais les voir au début de ma course à pied. Vélo posé, baskets enfilées, casquette ajustée, un peu de crème solaire et c’est parti.
COURSE À PIED
TOUT DOUCEMENT !!! Je sens l’euphorie me transcender, les jambes légères, j’ai l’esprit ailleurs, obnubilé : Où est ma famille, où sont mes proches ! Mes yeux scrutes et recherchent des visages familiers, j’entend mon prénom dans un brouahah de hurlements, de musique et du speaker.
C’est alors que je les aperçois, au même moment je prend une immense respiration avec la curieuse impression que ma cage thoracique peut soudainement accueillir bien plus d’air que d’habitude. Je ne sens plus de fatigue, plus de douleur. Mon cerveau ne sait plus quoi faire : m’arrêter pour “checker mon crew”, sourire, rester focaliser sur la course ? Finalement ce sera un immense sourire et je m’engage dans ces 3 boucles de 10 kilomètres.
Trois boucles sous un soleil de plomb, le bitume de la promenade des Anglais est ardent, l’ombre est rare pour ne pas dire inexistante. Ma stratégie étant encore une fois de diviser pour mieux gérer mentalement. Donc 3 x 10 kilomètres.
Le premier tour se fait sur la réserve, en mode découverte du parcours (que je n’avais pas reconnu avant), on va jusqu’à l’aéroport, demi-tour et c’est reparti. Et là, c’est l’ambiance IRONMAN.
J’ai mon prénom sur mon dossard donc j’ai le droit à des encouragements sur-mesure, et pour être honnête, c’est déstabilisant au départ puis ensuite ça donne un sentiment de puissance qui aide bien à avancer ! Quelques centaines de mètres avant la fin du premier tour je retrouve mes proches : Émotions +++ ma foulée s’allonge, le sourire est là. Le second tour est pas simple, il fait un cagnard pas possible, à chaque ravitaillement je me trempe la tête dans l’eau : REFROIDIR LE CORPS, IL FAUT REFROIDIR LE CORPS.
S’alimenter, s’hydrater autant que possible. Or à beaucoup boire le ventre est de plus en plus ballonné, mais vu les litres d’eau perdu il faut boire autant que possible. Alternance de boissons énergétiques, eau, St Yorre, et pour manger ce sera des TUCS (biscuits apéro), morceaux de banane, et quartier d’orange.
Le dernier tour c’est les douleurs physiques qui prennent une place de plus en plus importante. Aux hanches, genoux, chevilles, chaque arrêt aux ravitaillement rend la relance difficile. Mais je dois m’arrêter, marcher en mangeant et buvant et repartir.
La foulée se rétrécie, le corps est moins tonique, la fatigue se fait ressentir dans le corps entier et le mental tient bon. Pour gérer la souffrance : l’objectif, le tapis rouge, l’arrivée de cet IronMan, je n’ai que ça en tête et déjà certaines émotions me submergent. La fin du dernier tour approche, je porte mon attention sur le speaker et entends “YOU ARE AN IROOOOOON MAAAAAAN”.
Mes pensées sont uniquement focalisées sur cette ligne, je regarde loin devant et je l’aperçois : le fameux tapis rouge, des frissons me traversent du dos jusqu’au bout des ongles alors qu’il fait 35 degrès. Le cerveau est déconnecté, plus vraiment lucide, les hormones font leur travail à merveille. Et me voilà dessus, j’aperçois mes proches euphoriques (mais pas autant que moi), la notion du temps disparait, celle du corps aussi.
LE FINISH
L’apothéose d’une transe, d’un état second qui a duré 10:48:49 et qui s’est amplifié au fil des heures. Et là c’est comme le bouquet final. En écrivant ces lignes j’ai à nouveau la chaire de poule, l’émotion était si intense. Je passe la ligne (1 010ième/2 294), récupère ma médaille et cherche désespérément ma petite soeur qui devait me rejoindre juste après.
Je pense pouvoir appeler ça un vide cérébral, une absence totale de lucidité, mon regard scrute chaque visage pour reconnaitre ma soeur. Les larmes montent, mais ne coulent pas :” non, pas maintenant. je dois trouver Charlotte d’abord”. J’avance, des bénévoles nous indique une direction à suivre, je me dirige donc vers un carré d’herbe sur lequel les athlètes sont assis. Le regard vide, comme s’ils cherchaient le sens de toute cette aventure et le fameux “et maintenant ?”.
Je me joins à eux … Béas, ne sachant quoi ressentir précisément, m’interdisant une explosion émotionnelle immédiate, lacéré par des douleurs dans les jambes et les hanches. Toujours à la recherche de Charlotte, lorsque finalement, elle apparait les yeux écarquillés, elle me cherchait aussi depuis un moment ! Je me précipite vers elle, la prend dans mes bras et laisse enfin s’exprimer ces émotions. Malheureusement il n’existe pas de mot pour décrire ça, j’utiliserais donc une image : le volcan. J’ai conservé, entretenu, ces émotions pendant la course et là, c’est l’éruption.
Une libération, le corps lâche complètement, les larmes coulent, j’ai du mal à aligner trois mots, tout ce qu’il se passe est prétexte à amplifier ce bonheur indescriptible. Les hormones font encore un fois un travail remarquable, et bon dieu, qu’est ce que c’est bon! Mon autre soeur, ma mère et Julien me rejoignent ensuite à mon plus grand bonheur.
Parce qu’un moment pareil ça se partage avec les gens qu’on aime. La séance de pleurnichage incontrôlé à bien durée 10 minutes. Un bon massage et quelques litres de St Yorre plus tard. Je me retrouve au restaurant pour déguster un magret de canard bien gras avec mon Crew. En fait c’est peut être pour ça que les gens font des IronMan, pour pouvoir manger gras ensuite 😃 ?
Puis il y a cet éternel “Après j’arrête” qui invite indubitablement à la course suivante. Vous savez probablement de quoi je parle.
S’en suivra 2 mois plus tard, fin Aout, l’IronMan de Vichy sur les mêmes distances enfin les vraies ce coup-ci (3,8-180-42). Puis en Octobre le NatureMan au format 70.3 (1.9km natation, 90km vélo, 21km running) dans le Verdon. J’ai ainsi clos une saison forte en émotions et en rebondissement.
le 21/08/2019 Louis MARTIN